dimanche 20 avril 2008

Du ressentiment

Les manifestations chinoises laissent les français plus que dubitatifs. Probablement soutenues (au moins) par le pouvoir chinois, elles ne donnent pas l'impression d'être face à l'émergence d'une société civile, fusse-t-elle celle d'expatriés. Elles ont même quelque chose de grotesque... quand le Tibet vit des émeutes extrèmement violentes, quand le gouvernement incarcère à tours de bras (ce qui est le moins qu'on puisse dire), voir des chinois "défendre leur patrie" laisse un goût amer.

Pour les chinois de France, il n'y a pas de problème tibétain, il y a un problème de la flamme olympique. Ces manifestations ne sont pourtant pas seulement, comme elles le prétendent, des manifestations contre "la désinformation des médias occidentaux" mais des manifestations clamant "l'unité de la Chine", "l'appartenance de du Tibet à la Chine". Au final, je me demande ce que ces gens penseront dans 30 ans (peut-être plus tôt) et que la lumière sera faite sur l'histoire de leur pays. Quelle responsabilité s'accorderont-ils dans les exactions du régime qu'ils auront défendu?

Pourtant, il faut aussi chercher la dimension la plus acceptable, la plus compréhensible de ces manifestations et du soutient qu'elle me semble obtenir chez les chinois. Une large partie de ce discours est un discours contre le mépris dont ils seraient l'objet.

J'avoues que ce mépris m'a longtemps été transparent. Il m'a fallut comparer des photos de chinois et de français rentrant de Chine pour comprendre cela. Surtout, entendre les réactions des français aux photos chinoises. Les français aiment prendre en photo les quartiers populaires. Les rues salles. Les arrières boutiques, voir les cuisines des restaurants. Les maisons en sale état. Les pauvres. En ramenant ces photos, ils ont même le sentiment de faire, à l'égard des chinois, un travail pédagogique. Les photos des chinois montrent en effet la Chine dans sa modernité. Ses grandes avenues et ses grands immeubles. Grandes places, grands supermachés, etc. Du verre, du bêton, de l'acier. Le fait même que les chinois ramènent de telles photos fait sourire les français: " vous ne voulez pas voir vos problème ". Bon, quand même. Les français ont au fond toujours sur la Chine un regard colonial, et c'est là tout le paradoxe de cette histoire. Les français aiment les chinois tant qu'ils sont pauvres. D'un voyage en Chine, il restera des photos que personne n'aurait l'idée de faire s'il faisait, par exemple, un voyage à Paris.

Je viens, par exemple, de trouver sur flickr un groupe "traveling in asia, people only". On y trouve: des gens aux costumes traditionnels, des pauvres, des pauvres dans des costumes traditionnels et des jolies filles habillées de façon ordinaire (bon, il doit y avoir sans doute des jolies filles habillées de façon traditionnelle, il faudrait mieux chercher). Bon, je ne suis pas super doué avec flicker, mais je n'ai pas réussi à trouver de groupe rassemblant de telles photos sur l'Europe ou la France. Par contre, on trouver quantité de photos façons "les plus beaux villages/monuments/paysages de France".

Souvent, les photos folklorisantes et quelque peu misérabilistes que les gens ramènent de Chine énervent les chinois. Mais bien des discours sur la Chine ne valent guère mieux. Il y a quelques années, un reportage de M6 avait atteint le sommet du ridicule. Les images étaient systématiquement accompagnées de commentaire idiots et méprisants. Ainsi, quand un investisseur était reçu je ne sais plus où, on lui offrit de l'eau chaude. Et on a eu droit à "Ils sont tellement pauvres qu'ils ne peuvent même pas acheter de thé pour mettre dans l'eau". Le journaliste ne s'est pas posé la question de savoir si l'eau chaude était une boisson "normale" en Chine. Quand un patron participe à une journée de jeux avec son entreprise, ces jeux sont "ridicules", et le patron s'y prête par amabilité (j'ai eu à supporter une vidéo d'une amie me présentant ses jeux lors d'une journée avec sa boîte, c'était pas non plus un grand moment d'épanouissement). Dernier en date, le merveilleux "Pékin express" où l'on doit survivre avec je ne sais plus combien par jour. Faire de la Chine (et maintenant de l'amérique du sud, je crois) un terrain d'aventure a quelque chose de profondement méprisant. C'est d'ailleurs dans l'ensemble comme cela que l'émission a été reçu des chinois.

Bien sûr, contrairement aux chinois, je ne crois pas que les occidentaux attaquent la Chine parce qu'elle est la Chine et que le Tibet, tout le monde s'en fout. Les chinois n'arrivent, pour beaucoup, tout simplement pas à comprendre la sympathie que les français peuvent avoir pour les tibetains. Ce n'est pourtant pas compliqué: un peuple opprimé, un leader qui prône la non violence, face à un gouvernement qui tient le record d'exécutions par ans et qui incarcère des opposants politiques...

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